Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 23 novembre 2016, 15-18.093, Publié au bulletin
Références
Cour de cassationchambre sociale
Audience publique du mercredi 23 novembre 2016
N° de pourvoi: 15-18093
Publié au bulletin Cassation partielle
M. Frouin (président), président
Me Le Prado, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat(s)
Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée à compter du 4 décembre 1997 par la société Lidl, en qualité de caissière pour une durée hebdomadaire de 26 heures ; qu'afin de remplacer, pendant une période limitée, une chef-caissière, elle a signé plusieurs avenants temporaires au contrat de travail ayant pour effet de porter la durée contractuelle du travail de 26 à 31 heures hebdomadaires et d'augmenter sa rémunération ; qu'elle est devenue chef de caisse pour un temps de travail hebdomadaire fixé à 31 heures à compter du 18 novembre 2007 ; qu'à la suite d'un accident du travail et à l'issue de deux examens médicaux, le médecin du travail l'a déclarée apte à la reprise avec des restrictions ; que licenciée le 28 novembre 2008, la salariée a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le moyen unique ci-après annexé, pris en sa troisième branche :
Attendu qu'ayant constaté que le médecin du travail avait, à l'issue de la seconde visite du 21 octobre 2008, déclaré la salariée apte à la reprise, la cour d'appel n'a pas violé les dispositions de l'article L. 1226-11 du code du travail supposant que cette salariée ait alors été déclarée inapte ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Vu l'article L. 3123-14 du code du travail ;
Attendu, selon ce texte, que le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit qui doit mentionner la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ; qu'il en résulte que l'absence d'écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l'emploi est à temps plein ; que cette exigence légale d'un écrit s'applique non seulement au contrat initial, mais aussi à ses avenants modificatifs de la durée du travail ou de sa répartition, fussent-ils temporaires et prévus par une convention collective ; qu'à défaut, le contrat de travail à temps partiel doit, à compter de la première irrégularité, être requalifié en contrat de travail à temps plein ;
Attendu que pour limiter à 541,32 euros la somme allouée à la salariée à titre de rappel de salaire, l'arrêt retient qu'au regard du caractère temporaire des avenants irréguliers, alors même que le contrat de travail du 7 décembre 1997 et l'avenant relatif à la promotion de l'intéressée en qualité de chef caissière portent mention de la répartition des heures de travail sur les semaines du mois conformément aux dispositions de l'article L. 3123-14 du code du travail, la requalification en temps plein ne peut concerner que les périodes correspondant aux avenants dits « faisant fonction » et non à l'ensemble de la période de la relation de travail à partir du premier contrat non conforme ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que les conditions de la requalification étaient réunies à la date du premier avenant irrégulier du 2 août 2005, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il requalifie les avenants temporaires et, limitant le montant des salaires et congés payés, déboute la salariée de ses demandes en paiement de la somme de 23 818,05 euros à titre de rappel de salaire et celle de 2381,80 euros à titre de congés payés, l'arrêt rendu le 12 mars 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne la société Lidl aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Lidl à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour Mme X....
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué ;
D'AVOIR requalifie en temps plein les avenants temporaires au contrat de travail dits faisant fonction des 2 août 2005, 19 décembre 2005, 24 janvier 2006, 13 avril 2007, 19 avril 2007, 4 juin 2007, 25 juillet 2007, 16 août 2007, 10 septembre 2007 et 1er octobre 2007, condamné la société Lidl à payer à la salariée la somme de 541,32 euros à titre de rappels de salaire au titre de la requalification des avenants dits « faisant fonction », outre les congés payés afférents ;
AUX MOTIFS QUE « la convention collective nationale applicable prévoit le remplacement provisoire en indiquant dans son article 4-4-3 que la nature même de certaines fonctions implique que les salariés qui les exercent sont à même de suppléer totalement ou partiellement un supérieur hiérarchique en cas d'absence occasionnelle de celui-ci. En dehors des cas ci-dessus, les salariés qui se voient confier pendant au moins quatre semaines consécutives la responsabilité d'une fonction correspondant à un niveau supérieur au leur bénéficient proportionnellement au temps passé du salaire garanti à celui-ci. Cette situation ne peut excéder six mois; à l'issue de ce délai l'employeur et le salarié remplaçant acteront au regard du motif de remplacement, les conséquences qui en découlent sur le contrat de travail. Ainsi, l'employeur avait la possibilité d'augmenter par avenant la durée de travail de la salariée, ce qu'il a fait sans contrevenir aux dispositions légales et conventionnelles précitées. Or, il ressort des pièces versées aux débats que les avenants "faisant fonction" qui avaient pour effet de notamment de porter l'horaire hebdomadaire de Madame X... de 26 heures à 31 heures pendant la période antérieure au 18 novembre 2007 (date de sa promotion au poste de chef caissière) ne comportent pas la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois en application des dispositions de l'article L. 3123-14 du code du travail de sotie que la présomption de temps plein s'applique à compter du 22 août 2005. Il incombe alors à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve d'une part de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur. La succession d'avenants sur de courtes périodes de 3 à 9 jours de remplacement signés au mieux 5 jours avant leur prise d' effet voire de manière habituelle le jour même empêche de considérer, en l'absence de tout élément factuel apporté par la SNC Lidl, que la salariée a eu connaissance de ses horaires deux semaines à l'avance comme prévu dans la convention collective nationale. L'employeur échoue donc à démontrer que sa salariée n'est pas restée à sa disposition permanente pendant ces périodes. Néanmoins au regard du caractère temporaire de ces avenants alors même que le contrat de travail du 7 décembre 1997 et l'avenant relatif à la promotion de la salariée en qualité de chef caissière portent mention de la répartition des heures de travail sur les jours de la semaine ou sur les semaines du mois conformément aux dispositions de l'article L. 3123-14 du code du travail, la re-qualification en temps plein ne peut concerner que les périodes correspondants aux avenants dits "faisant fonction" et non à l'ensemble de la période de la relation de travail à partir du premier contrat non conforme aux dispositions légales et Madame X... est fondée à réclamer un rappel de salaire uniquement sur les périodes correspondant aux avenants. Il convient en conséquence de requalifier en temps plein les avenants temporaires au contrat de travail 2 août 2005, 19 décembre 2005, 24 janvier 2006, 13 avril 2007, 19 avril 2007, 4 juin 2007, 25 juillet 2007, 16 août 2007, 10 septembre 2007 et 1er octobre 2007. En regard de la saisine du conseil de prud'hommes le 13 mars 2012 et de la prescription quinquennale applicable, la salariée ne peut réclamer des salaires sur la base d'un plein que sur la période à compter du 13 mars 2007. Elle a été arrêtée dans le cadre de son accident du travail dès le 22 janvier 2008 et licenciée le 28 novembre 2008 de sorte que sa demande de rappel de salaire n'est pas fondée sur la période postérieure au 22 janvier 2008. Du 13 mars 2007 au 18 novembre 2007, elle a bénéficié de sept contrats dits « faisant fonction » sur des périodes d'une durée au moins hebdomadaire permettant de considérer que pendant treize semaines elle aurait dû bénéficier d'un salaire correspondant à 35 heures alors qu'elle n'a été rémunérée qu'à hauteur de 31 heures. La SNC Lidl reste donc lui devoir la somme de 541,32 euros ainsi calculée : 4 h x13 semaines x10,41 euros+541,32 euros outre les congés payés afférents pour la somme de 54,13 euros. Mme X... ne justifie pas avoir effectué des remplacements postérieurement au 3 novembre 2007. Elle sera donc déboutée de sa demande de rappel de salaire. La SNC Lidl sera donc condamnée à lui verser la somme de 541,32 euros à titre de rappel de salaire au titre de la requalification des avenants dits « faisant fonction », outre les congés payés afférents pour la somme de 54,13 euros, disposition qui sera ajoutée au jugement, s'agissant d'une demande nouvelle en appel ».
ALORS QU' aux termes de l'article L.3123-14 du code du travail, l'absence d'écrit mentionnant la durée hebdomadaire, ou le cas échéant mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, fait présumer que l'emploi est à temps complet; que l'employeur qui conteste cette présomption peut rapporter la preuve, d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part, de ce que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur ; que lorsque l'employeur ne démontre pas que le salarié connaissait son rythme de travail, la relation de travail est requalifiée en contrat de travail à temps plein à compter de la première irrégularité pour toute la durée de la relation de travail; que la cour d'appel a relevé que la présomption de travail à temps complet s'appliquait à compter du 22 août 2005 en l'absence de mention sur les avenants au contrat de travail conclus de la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois; que la cour d'appel a également constaté que l'employeur a échoué à démontrer que la salariée n'était pas restée à sa disposition permanente durant cette période; que la cour d'appel aurait dû déduire de ses énonciations que le contrat de travail à temps partiel devait être requalifié en contrat de travail à temps plein à compter du 22 août 2005; qu'en requalifiant uniquement les avenants temporaires au contrat de travail des 2 août 2005, 19 décembre 2005, 24 janvier 2006, 13 avril 2007, 19 avril 2007, 4 juin 2007, 25 juillet 2007, 16 août 2007, 10 septembre 2007 et 1er octobre 2007 signés pour occuper des fonctions de chef caissière pour une durée de travail de trente et une heure hebdomadaires et en condamnant l'employeur à un rappel de salaire pour une seule période de treize semaines, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L.3123-14 du code du travail.
ET ALORS QUE la requalification d'un contrat de travail à temps partiel en un contrat de travail à temps complet doit être ordonnée à compter de la première irrégularité lorsque le recours par l'employeur à des heures complémentaires a eu pour effet de porter, fût-ce pour une période limitée et malgré l'accord du salarié, la durée de travail au niveau de la durée légale; que la cour d'appel a constaté qu'à compter du 22 août 2005, la salariée qui a signé des avenants temporaires pour occuper des fonctions de chef caissière pour une durée de travail de trente et une heure hebdomadaires tandis que le contrat de travail initial mentionnait vingt-six heures de travail hebdomadaires devait se tenir à la disposition permanente de son employeur; qu'il en résultait nécessairement que le recours par l'employeur à des heures complémentaires avait eu pour effet de porter la durée de travail au niveau de la durée légale, en sorte que la requalification en contrat de travail à temps plein devait être ordonnée à compter du 22 août 2005; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L.3123-17 du code du travail.
ALORS ENFIN QU' aux termes de l'article L.1226-11 du code du travail, lorsqu'à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié victime d'un accident du travail déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail ; que la cour d'appel a relevé que la seconde visite médicale de reprise s'est déroulée le 21 octobre 2008 (page 3 de l'arrêt) ; que la cour d'appel a également constaté que la salariée a été licenciée par lettre recommandée du 28 novembre 2008 (page 9 de l'arrêt) ; que la cour d'appel aurait dû en déduire que l'employeur qui n'a pas respecté le délai d'un mois fixé à compter du second examen médical pour licencier la salariée, était tenu de lui verser un salaire sur la base d'un temps plein à compter du 21 novembre 2008 ; qu'en énonçant que pour la période postérieure à son accident du travail du 22 janvier 2008, la salariée ne pouvait pas prétendre à un quelconque rappel de salaire, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L.1226-11 du code du travail.
ECLI:FR:CCASS:2016:SO02099
Analyse
Publication :Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux , du 12 mars 2015