Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 30 novembre 2016, 15-15.162 15-15.185, Inédit
Références
Cour de cassationchambre sociale
Audience publique du mercredi 30 novembre 2016
N° de pourvoi: 15-15162 15-15185
Non publié au bulletin Rejet
Mme Vallée (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président
SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat(s)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu la connexité, joint les pourvois n° R 15-15.162 et R 15-15.185 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 23 janvier 2015), que Mme X... a été engagée par la société La Ruche roannaise Besacier le 1er avril 1984 en qualité de manutentionnaire ; qu'elle a, le 22 décembre 2010, été victime d'un accident sur le lieu de travail, a repris son travail du 3 au 21 janvier 2011 puis a été placée en arrêt maladie jusqu'au 15 septembre 2012, date à laquelle elle a repris son travail ; qu'elle a, le 17 septembre 2012, demandé à l'employeur de déclarer l'accident en accident de travail ; qu'en l'absence de certificat médical attestant des lésions subies, l'employeur n'a pas effectué de déclaration ; qu'à l'issue des examens des 19 septembre et 10 décembre 2012, le médecin du travail a déclaré la salariée apte avec réserves ; que le médecin du travail, sollicité par l'employeur, a, le 19 février 2013, déclaré la salariée inapte à son poste, dans le cadre d'une seule visite, avec mention de danger immédiat ; que la salariée a été, le 19 mars 2013, licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement ;
Sur le moyen unique du pourvoi de la salariée :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes tendant à la réparation du préjudice subi du fait du défaut fautif de déclaration de l'accident de travail dont elle a été victime, alors, selon le moyen, que si l'indemnisation des dommages résultant d'un accident du travail ne peut être réparée selon le droit commun, par contre l'employeur est tenu de réparer les conséquences de sa faute contractuelle lorsque, par son fait, il prive le salarié de la protection de la législation relative aux accidents de travail ; qu'il appartient alors aux juges du fond d'apprécier le préjudice subi par le salarié du fait de son omission fautive ; que la cour d'appel, qui a affirmé que la salariée, qui demande en première instance, comme en appel, le paiement par l'employeur du différentiel d'indemnités journalières qu'elle aurait perçu au titre de l'accident du travail, et du différentiel, toujours à ce titre, d'indemnités de licenciement, de préavis et de congés payés afférents, demande en réalité, sous couvert d'une action en responsabilité contre son employeur pour manquement à son obligation de sécurité et de déclaration d'accident du travail, la réparation du préjudice né de son accident de travail, a violé les articles L. 441-1 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu, d'une part, que si le salarié dont l'affection ne peut pas être prise en charge au titre de la législation sur les accidents du travail ou les maladies professionnelles peut engager une action contre son employeur selon le droit commun de la responsabilité civile contractuelle, il ne peut demander que des dommages-intérêts ;
Attendu, d'autre part, que la cour d'appel, après avoir rappelé les dispositions des articles L. 451-1 et L. 142-1 du code de la sécurité sociale, a retenu à juste titre que la salariée, qui sollicitait un complément d'indemnités journalières, demandait en réalité la réparation de son accident du travail ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le premier moyen du pourvoi de l'employeur :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur le second moyen du même pourvoi :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'allouer à la salariée une somme à titre de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à l'obligation de formation, alors, selon le moyen :
1°/ qu'aux termes de l'article L. 6321-1 du code du travail, l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail et veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir sans être contesté que la société La Ruche roannaise Besacier était une entreprise dont l'activité de conditionnement des produits apicoles n'était pas connue et ne connaissait pas d'évolution technique particulière puisqu'il s'agissait d'une activité essentiellement artisanale, et affirmait avec offre de preuve que la formation geste et posture concernait la prévention des troubles musculo-squelettiques et ne constituait pas une formation technique pour l'évolution au poste de manutentionnaire ; que pour considérer que l'employeur avait manqué à son obligation d'adaptation, la cour d'appel a retenu que la salariée n'avait bénéficié au cours de ses trente années de présence dans l'entreprise d'aucune formation en termes de prévention des risques et en termes techniques et que ce manquement avait causé un préjudice professionnel à la salariée au sein de la société et dans le cadre de sa recherche d'emploi après la rupture ; qu'en statuant ainsi, sans préciser en quoi le fait que la salariée n'ait pas bénéficié de formation pendant une telle durée aurait eu une incidence sur les possibilités d'adaptation de la salariée et/ou de maintien dans son emploi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 6321-1 du code du travail ;
2°/ que, tenus de motiver leur décision, les juges du fond ne peuvent procéder par voie de simple affirmation sans indiquer l'origine de leurs constatations ; qu'en affirmant péremptoirement que l'automatisation ou l'informatisation de certains postes avaient bien été mises en place dans l'entreprise, sans indiquer les éléments lui permettant de procéder à une telle « constatation », la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant rappelé qu'aux termes de l'article L. 6321-1 du code du travail, l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail et veille au respect de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations, et relevé que la salariée n'avait bénéficié, en trente ans de carrière comme manutentionnaire chez l'employeur, d'aucune formation, peu important qu'elle n'en ait elle-même pas réclamé, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyen produit au pourvoi n° R 15-15.162 par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour Mme X...
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme X... de ses demandes tendant à la réparation du préjudice subi du fait du défaut fautif de déclaration de l'accident de travail dont elle a été victime.
AUX MOTIFS QUE, sur l'accident du travail, aux termes des articles L. 451-1 et L. 142-1 du code de la sécurité sociale, si la juridiction prud'homale est seule compétente pour connaître d'un litige relatif à l'indemnisation d'un préjudice consécutif à la rupture du contrat de travail, relève en revanche de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale, l'indemnisation des dommages résultant d'un accident du travail, qu'il soit ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ; qu'en l'espèce, Mme X... qui demande en première instance, comme en appel, le paiement par l'employeur du différentiel d'indemnités journalières qu'elle aurait perçu au titre de l'accident du travail, et du différentiel, toujours à ce titre, d'indemnités de licenciement, de préavis et de congés payés afférents, demande en réalité, sous couvert d'une action en responsabilité contre son employeur pour manquement à son obligation de sécurité et de déclaration d'accident du travail, la réparation du préjudice né de son accident de travail ; que le jugement qui a fait droit à ces demandes doit être infirmé, et, devant la cour, qui a plénitude de juridiction, Mme X... doit être déboutée de ces demandes.
ALORS QUE, si l'indemnisation des dommages résultant d'un accident du travail ne peut être réparée selon le droit commun, par contre l'employeur est tenu de réparer les conséquences de sa faute contractuelle lorsque, par son fait, il prive le salarié de la protection de la législation relative aux accidents de travail ; qu'il appartient alors aux juges du fond d'apprécier le préjudice subi par le salarié du fait de son omission fautive ; que la cour d'appel qui a affirmé que la salariée, qui demande en première instance, comme en appel, le paiement par l'employeur du différentiel d'indemnités journalières qu'elle aurait perçu au titre de l'accident du travail, et du différentiel, toujours à ce titre, d'indemnités de licenciement, de préavis et de congés payés afférents, demande en réalité, sous couvert d'une action en responsabilité contre son employeur pour manquement à son obligation de sécurité et de déclaration d'accident du travail, la réparation du préjudice né de son accident de travail a violé les articles L. 441-1 du Code de la sécurité sociale ensemble l'article 1382 du Code civil.
Moyens produits au pourvoi n° R 15-15.185 par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société La Ruche roannaise Besacier
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a condamné l'employeur à verser à sa salariée la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il l'a condamné aux dépens, d'AVOIR dit que le licenciement pour inaptitude de Mme X... était dénué de cause réelle et sérieuse, d'AVOIR en conséquence condamné la société La Ruche Roannaise Besacier à lui verser les sommes suivantes de 26 699,94 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de 2 966,66 euros d'indemnité compensatrice de préavis, d'AVOIR, y ajoutant, condamné la société La Ruche Roannaise Besacier à payer à Mme X... une indemnité de procédure de 2 500 euros, et de l'AVOIR condamnée aux dépens d'appel ;
AUX MOTIFS QUE « Au terme de ses écritures intégralement reprises à l'audience, la société La Ruche demande la confirmation du jugement sur le rejet des prétentions de Mme X... au titre du licenciement, mais sa réformation pour le surplus.
Sur l'accident de travail, elle fait valoir que
- l'absence de déclaration de l'accident de travail n'est pas de nature à constituer une carence fautive de sa part, puisque c'est la salariée elle-même qui n'a pas souhaité cette déclaration, et qu'elle a repris après ses congés son travail, sans se plaindre de son genou, l'employeur n'étant pas au courant du motif de son arrêt de travail en maladie ultérieur ;
- que Mme X... ne justifie pas de ce que l'absence de déclaration soit la seule cause de non indemnisation, dès lors qu'elle a elle-même régularisé très tardivement, le 19 février 2013 et après les visites de reprise auprès du médecin du travail, une déclaration auprès de la CPAM qui n'a pas eu de suite en l'absence d'envoi des justificatifs exigés, et notamment du certificat médical initial qui conditionne la prise en charge ;
- que cette absence de déclaration n'a donc aucun lien direct avec l'avis d'inaptitude non professionnelle retenue par la médecine du travail,
Elle conclut en conséquence au débouté de toutes les demandes de Mme X... au titre du régime d'accident du travail.
Elle relève par ailleurs que Mme X... était manutentionnaire et qu'il n'est pas justifié d'une formation particulière pour ce poste que l'employeur aurait omis de dispenser, notamment le module gestes et postures qui ne concerne pas ce poste ; elle considère en conséquence qu'elle n'a pas failli à son obligation de formation, y compris sur l'évolution de carrière, eu égard aux compétences techniques et intellectuelles de Mme X..., et à la taille de l'entreprise, essentiellement artisanale, sans évolutions techniques majeures.
Sur la régularité du licenciement pour inaptitude, pour manquement à l'obligation de sécurité et défaut de recherche de reclassement, elle relève que l'accident du 22 décembre 2010 n'a eu aucun témoin direct, que le sol n'était pas glissant ou sali par des coulures de miel, qu'en tout état de cause, le lien entre la chute et l'inaptitude pour douleurs du genou n'est pas établi, en l'absence de constatation des lésions initiales, tous les arrêts de travail ayant été établis en maladie par son médecin traitant. Elle relève que, selon les témoins, les blessures avaient pour siège un hématome au fessier, sans rapport avec les douleurs au genou, qui relèvent d'une aggravation d'un état antérieur et de l'âge de Mme X.... Elle conteste les attestations produites par Mme X... sur l'état des sols.
Quant à l'obligation de reclassement, elle considère qu'elle a effectué toutes les diligences nécessaires, en tenant compte des conclusions écrites du médecin du travail et en proposant une rencontre avec la salariée pour rechercher des postes non détectés, sur quoi cette dernière a rejeté cette proposition. Elle soutient qu'aucune mesure d'aménagement n'était possible sur le poste et qu'aucun reclassement n'était possible sur d'autres postes.
Au terme de ses écritures, intégralement reprises à l'audience, Mme X... demande la confirmation du jugement sur les indemnités allouées au titre de l'accident du travail, mais son infirmation sur le licenciement.
Elle soutient à cet égard que le licenciement pour inaptitude et la dégradation de son état de santé sont bien liés au comportement fautif de l'employeur,
- pour manquement à son obligation de sécurité de résultat, car elle a glissé sur un sol humide et sali et la société La Ruche ne justifie pas des mesures prises pour éviter cette chute, elle indique produire à cet égard plusieurs attestations de salariées sur l'état des sols,
- pour manquement à son obligation de reclassement, rappelant qu'elle avait été déclarée apte avec restrictions qui n'ont posé aucun problème et que c'est l'employeur qui a suscité un nouvel avis du médecin du travail, cette fois d'inaptitude à tout poste, la lettre jointe à ce certificat démontrant qu'il s'agissait d'une aptitude à tout poste, sous réserve d'aménagements (port de charge lourdes sollicitant les genoux de manière importante et répétée) ou d'un passage à temps partiel.
Elle sollicite pour 30 ans d'ancienneté 26 699,94 euros de dommages et intérêts, en globalité, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (soit 18 mois de salaire) et dégradation de son état de santé et 29 66,66 euros d'indemnité de préavis outre congés payés afférents. Concernant les manquements de son employeur pour absence de déclaration de l'accident du travail, malgré un rappel en ce sens le 17 septembre 2012, elle rappelle que l'employeur doit déclarer tout accident du travail, peu important son appréciation de la situation, l'absence de témoins ou l'avis de la victime, dès lors que l'accident est bien survenu au lieu et au temps du travail, ce qui lui a fait perdre le droit à une enquête, et lui a fait subir une perte d' indemnités journalières au taux de 80 %, d'indemnité spéciale de licenciement (doublée), et d'indemnité de préavis.
Elle produit divers attestations et certificats démontrant que contrairement à ce qu'affirme son employeur, elle a n'avait pas d'antécédent au genou et a bien fait une chute sur le sol, peu important que le médecin du travail, dont ce n'est pas le rôle, n'ait pas relevé le caractère professionnel de l'accident.
Concernant le manquement à l'obligation de formation pendant ses trente ans de travail comme manutentionnaire au SMIC, elle soutient qu'elle n'a reçu aucune formation à la sécurité ou en matière d'hygiène qui vise tout poste à contraintes physiques, ou en matière informatique, ce qui l'a privée à 58 ans de toute perspective de trouver un emploi. Elle demande la confirmation du jugement sur le principe de l'indemnité qui a été allouée mais sollicite que celle-ci soit portée à 5 000 euros.
A l'audience, la cour a soulevé la question de la recevabilité de la demande de la salariée en ce que, sous couvert d'une action en indemnisation de la violation du manquement de l'employeur à une obligation de sécurité de résultat et de déclaration de l'accident de travail, celle ci réclamerait en fait l'indemnisation de son accident de travail.
Sur quoi, la salariée a indiqué par la voix de son conseil que son action en indemnisation est recevable, et la société La Ruche Roannaise a déclaré, par la voix de son conseil que la demande est irrecevable, s'agissant d'une demande en paiement de complément d'indemnités journalières.
(…) Sur le licenciement
Le licenciement d'un salarié prononcé en raison de son inaptitude physique et de l'impossibilité de reclassement est sans cause réelle et sérieuse dès lors que cette inaptitude résulte directement du comportement fautif de l'employeur, notamment au regard de son obligation de sécurité de résultat, peu important que cette inaptitude ait ou non été prise en charge au titre des risques professionnels.
En l'espèce, il est bien établi que Mme X... a chuté le 22 décembre 2010 au temps et au lieu du travail, puisque si personne n'a assisté à la chute à côté des cuves de miel, M. Y... a attesté qu'il a vu cette dernière se relever, et que Mme Z..., comptable, qui travaillait à proximité, lui a demandé si elle s'était fait mal, lui proposant de faire une déclaration d'accident du travail.
La matérialité de l'accident de travail lui-même est donc établie, et même si c'est sur demande de Mme X... que cet accident n'a pas été immédiatement déclaré, l'employeur a, dès cet instant manqué à son obligation de sécurité, car il lui incombait au moins de noter cet accident sur le registre d'infirmerie, ce qui aurait coupé court à l'interrogation sur le descriptif de la chute, en avant ou sur le dos, et, partant sur le siège des lésions.
Par ailleurs, Mme X..., qui indique avoir chuté sur un sol humide et jonché de coulures de miel, produit diverses attestations indiquant que le sol était humide, nécessairement au moment des opérations de nettoyage, et rendu de ce fait glissant, en raison de la stagnation de l'eau et du miel mélangés, et ni la facture de travaux produite par l'employeur, démontrant que le dallage en béton armé, lisse et non rainuré avec pente vers caniveau, avait été refait fin 2007, ni les attestations de salariés qu'il produit, faisant état d'un sol parfaitement propre et sec à la 'confiserie ', alors que l'accident s'est produit dans l'atelier de conditionnement du miel, ne sont de nature à établir que la société La Ruche ait pris toutes les mesures nécessaires pour protéger les salariés de risques de chute sur un sol rendu dangereux, notamment par la signalétique 'attention, sol glissant', qu'elle invoque, et dont, en l'absence d'enquête consécutive à l'accident, elle n'établit pas la présence, lors de la survenance de cet accident.
L'inaptitude de la salariée, même si elle n'est pas exclusivement liée à la chute accidentelle, est donc bien en lien avec le manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur, faute de preuve par ce dernier d'une force majeure ou d'une cause totalement étrangère à ce manquement.
Par ailleurs, l'avis d'inaptitude à tout poste dans l'entreprise émis par le médecin du travail, ne dispensait pas l'employeur qui licenciait une salariée pour inaptitude, d'établir, au delà de ses seules affirmations, en quoi il avait recherché, en toute loyauté, s'agissant de surcroît d'une salariée ayant plus de 30 ans d'ancienneté, les possibilités de mutations, transformations de postes ou d'aménagement de son poste de manutentionnaire, en termes de temps de travail, de polyvalence, ou d'ergonomie, tout en se conformant aux restrictions du médecin du travail sur le port de charges lourdes et sur la sollicitation importante et répétée des genoux.
Ces deux manquements à l'obligation de sécurité et de reclassement de l'employeur rendent le licenciement sans cause réelle et sérieuse et justifient, comme demandé, une indemnisation globale de Mme X..., à hauteur, eu égard à son ancienneté, de 26 699,94 euros, outre indemnité compensatrice de préavis, puisque l'inaptitude est imputable au comportement fautif de l'employeur, de 2 966,66 euros. S'agissant d'une indemnité, il n'y a pas lieu de l'assortir de congés payés afférents.
Le jugement qui a débouté Mme X... de tous ces chefs de demandes doit être infirmé » ;
1°) ALORS QUE les termes du litige sont fixés par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, aucune des parties n'affirmait que le fait pour l'employeur de ne pas avoir procédé à la déclaration d'accident du travail lors de la chute de Mme X... le 22 décembre 2010 et de ne pas avoir noté cette chute sur le registre d'infirmerie était constitutif d'un manquement à son obligation de sécurité de résultat ; que la salariée se bornait à affirmer que son employeur avait manqué à son obligation de sécurité de résultat puisqu'elle avait glissé sur le sol humide et sali de l'entreprise et que ce dernier ne justifiait pas des mesures prises pour éviter cette chute ; que si elle lui reprochait de ne pas avoir procédé à la déclaration d'accident de travail, elle sollicitait une indemnisation à ce titre mais ne prétendait pas que ce défaut de déclaration était constitutif en soi d'un manquement à son obligation de sécurité de résultat ; que de son côté l'employeur affirmait qu'il était particulièrement attentif à la bonne qualité des sols de son entreprise et de la propreté de ses ateliers, compte tenu de la manipulation importante de ses produits de fabrication de conditionnement à base de miel, et que les sols n'étaient donc pas glissants, ni souillés, ce qui excluait sa responsabilité ; qu'en se fondant notamment sur le fait pour l'employeur de ne pas avoir déclaré la chute de Mme X... survenue le 22 décembre 2010 et de ne pas l'avoir notée sur le registre d'infirmerie pour dire qu'il avait manqué à son obligation de sécurité de résultat, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige et partant a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe du contradictoire ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, aucune des parties n'affirmait que le fait pour l'employeur de ne pas avoir procédé à la déclaration d'accident du travail lors de la chute de Mme X... le 22 décembre 2010 et de ne pas avoir noté cette chute sur le registre d'infirmerie était constitutif d'un manquement à son obligation de sécurité de résultat ; qu'en soulevant ce moyen d'office sans inviter les parties à s'expliquer, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE le fait pour l'employeur de ne pas procéder à une déclaration d'accident du travail dans le délai de 48 heures suivant l'accident et le fait de ne pas inscrire cet accident au registre d'infirmerie ne constituent pas un manquement à son obligation de sécurité de résultat ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a violé les articles l'article L. 4121-1 du code du travail et L. 441-2, L. 441-4 et R. 471-3 du code de la sécurité sociale ;
4°) ALORS QUE les juges sont tenus de répondre aux moyens soulevés par les parties ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir que les attestations versées aux débats par la salariée pour établir que le sol était glissant ne pouvaient pas être retenues (conclusions d'appel de l'exposante p. 10) ; qu'il affirmait ainsi que l'attestation de M. A... qui aurait suivi une conversation au cours de laquelle M. B... aurait confirmé que les sols de la société étaient souvent souillés et glissants était remise en cause par le témoignage de M. B... lui-même – versée aux débats (production n° 8) - qui affirmait n'avoir jamais tenus de tels propos ; qu'il soutenait encore que Mme C... qui ne se souvenait pas de sa date d'entrée dans l'entreprise avait établie une attestation en raison du non renouvellement de son contrat de travail à durée déterminée – ce qui n'était pas contesté par la salariée – (conclusions d'appel de l'exposante p. 10) ; qu'en relevant au regard des attestations versées aux débats par la salariée que le sol de l'entreprise était glissant (arrêt p. 5 in fine et p. 6 § 1), sans à aucun moment répondre au moyen soulevé par l'employeur, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5°) ALORS QU'il appartient au salarié de rapporter la preuve des manquements qu'il reproche à son employeur ; qu'en l'espèce, pour établir que le sol de l'entreprise n'était pas humide et glissant contrairement à ce que la salariée prétendait, l'employeur avait versé aux débats les attestations de M. B... affirmant n'avoir jamais constaté que « le sol de la confiserie était glissant. il est en bon état », de M. D... relatant que « le sol du poste de travail de la confiserie n'est pas glissant pendant notre journée de travail. Il est en bon état. Il est nettoyé tous les soirs », et de M. E... attestant de ce que « les sols de la confiserie de l'entreprise Besacier pour allée à l'évier sont en bonne état » ; qu'en reprochant à l'employeur de produire des attestations de salariés faisant état d'un sol parfaitement sec à la « confiserie » quand l'accident de la salariée s'était produit dans l'atelier de conditionnement du miel, sans expliquer en quoi la confiserie et l'atelier de conditionnement constituaient deux lieux distincts dans l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 4121-1 du code du travail ;
6°) ALORS QUE les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner et analyser tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce pour établir que le sol était propre et sec, l'employeur avait versé aux débats l'attestation de M. Y... affirmant que « le sol était propre et équipé des caniveaux (grilles d'évacuation d'eau tout le long des chaudrons) pour éliminer tous les produits fluides » ; qu'en affirmant que les attestations de salariés produites par l'employeur faisaient état d'un sol parfaitement propre et sec à la confiserie quand l'accident de Mme X... s'était produit dans l'atelier de conditionnement du miel, sans à aucun moment ni viser ni analyser l'attestation de M. Y... sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
7°) ALORS QUE le licenciement pour inaptitude d'un salarié n'est dépourvu de cause réelle et sérieuse que s'il est établi que l'inaptitude est imputable à une faute de l'employeur ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir et offrait de prouver que suite à sa chute du 22 décembre 2010, la salariée avait continué normalement sa journée de travail et était partie en congés puis avait à son retour travaillé pendant près de trois semaines avant d'être placée en arrêt de travail ; qu'il affirmait que la chute de la salariée avait seulement entraîné une blessure à la fesse et que cette dernière qui avait été déclarée inapte en raison d'un problème au genou, avait eu des problèmes à cette articulation avant sa chute de décembre 2010 (conclusions d'appel de l'exposante p. 2 in fine, p. 3, p. 4 § 1 et 2, p. 11 et p. 12 ; productions n° 16 à 20 et n° 23) ; qu'en se bornant, pour dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, à relever que Mme X... avait chuté le 22 décembre 2010 au temps et au lieu du travail, et à affirmer que l'inaptitude de la salariée était bien en lien avec le manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur, faute de preuve par ce dernier d'une force majeure ou d'une cause totalement étrangère à ce manquement, sans, à aucun moment, caractériser le lien de causalité entre la faute ou l'accident survenu le 22 décembre 2010 et l'inaptitude de la salariée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1235-3, L. 1226-10, L. 1226-12 et L. 1226-15 du code du travail ;
8°) ALORS QUE le reclassement d'un salarié dont le licenciement est envisagé ne peut être tenté que s'il existe des postes disponibles et compatibles avec sa qualification et son état de santé ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir et offrait de prouver (registre d'entrée et de sortie du personnel) que malgré ses recherches, il n'avait aucun poste à proposer à sa salariée (conclusions d'appel p. 13 et 14) ; qu'en affirmant que l'employeur avait manqué à son obligation de reclassement, sans constater qu'il existait au sein de la société des postes disponibles et compatibles avec l'état de santé de la salariée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1226-10 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a alloué à la salariée la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à l'obligation de formation, en ce qu'il a condamné l'employeur à verser à sa salariée la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il l'a condamné aux dépens, d'AVOIR, y ajoutant, condamné la société La Ruche Roannaise Besacier à payer à Mme X... une indemnité de procédure de 2 500 euros, et de l'AVOIR condamnée aux dépens d'appel ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur le manquement de l'employeur à son obligation de formation
Aux termes de l'article L. 6321-1 du code du travail, l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail et veille au respect de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations. Il est constant que Mme X... n'a bénéficié, en 30 ans de carrière comme manutentionnaire chez La Ruche, d'aucune formation en termes de prévention des risques (gestes et posture - hygiène et sécurité dans le domaine alimentaire) ni en termes techniques (automatisation ou informatisation de certains postes qui ont bien été mises en place dans l'entreprise). Quand bien même n'aurait-elle réclamé elle-même aucune formation, l'employeur a bien manqué à son obligation vis à vis de la salariée, à laquelle une telle omission a causé un préjudice professionnel au sein de la société comme dans le cadre d'une recherche d'emploi après la rupture. Le jugement qui a alloué à ce titre à Mme X... une indemnité de 4 000 euros doit être confirmé, cette indemnisation réparant exactement le préjudice subi » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Sur l'obligation de formation
En fonction de son ancienneté dans l'entreprise mais également de son âge il aurait été nécessaire de mettre en place une action de formation appropriée à l'activité de Mme X....
Au cours des débats, il a été précisé à la barre que le module « gestes et postures » n'avait pas été dispensé à la salariée et que d'autre part, l'employeur n'avait pas satisfait à une obligation de formation prévue à l'article L. 6321-1 du code du travail.
En conséquence, le bureau de jugement du conseil condamne la société La Ruche Roannaise Besacier à la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de formation » ;
1°) ALORS QU'aux termes de l'article L. 6321-1 du code du travail, l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail et veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir sans être contesté que la société La Ruche Roannaise Besacier était une entreprise dont l'activité de conditionnement des produits apicoles n'était pas connu et ne connaissait pas d'évolution technique particulière puisqu'il s'agissait d'une activité essentiellement artisanale (conclusions d'appel de l'exposante p. 20 in fine), et affirmait avec offre de preuve (production n° 21) que la formation geste et posture concernait la prévention des troubles musculo-squelettiques et ne constituait pas une formation technique pour l'évolution au poste de manutentionnaire (conclusions d'appel de l'exposante p. 21) ; que pour considérer que l'employeur avait manqué à son obligation d'adaptation, la cour d'appel a retenu que la salariée n'avait bénéficié au cours de ses trente années de présence dans l'entreprise d'aucune formation en termes de prévention des risques et en termes techniques (arrêt p. 6 in fine) et que ce manquement avait causé un préjudice professionnel à la salariée au sein de la société et dans le cadre de sa recherche d'emploi après la rupture ; qu'en statuant ainsi, sans préciser en quoi le fait que la salariée n'ait pas bénéficié de formation pendant une telle durée aurait eu une incidence sur les possibilités d'adaptation de la salariée et/ou de maintien dans son emploi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 6321-1 du code du travail ;
2°) ALORS QUE tenus de motiver leur décision, les juges du fond ne peuvent procéder par voie de simple affirmation sans indiquer l'origine de leurs constatations ; qu'en affirmant péremptoirement que l'automatisation ou l'informatisation de certains postes avaient bien été mises en place dans l'entreprise, sans indiquer les éléments lui permettant de procéder à une telle « constatation », la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
ECLI:FR:CCASS:2016:SO02210